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Safanto L. Bulongo
30 janvier 2014

BRISER LA SPIRALE DU FAIBLE TAUX DE REALISATION DU BUDGET PROVINCIAL DU SUD KIVU : Esquisse d’actions stratégiques

BRISER_LA_SPIRALE_DU_FAIBLE_TAUX_DE_REALISATION_DU_BUDGET_PROVINCIAL_DU_SUD_KIVU_Esquisse_d_actions_strat_giques

0. INTRODUCTION

0.1. Problématique

La Constitution du 18 février 2006 de la République Démocratique du Congo a consacré la décentralisation comme mode de gestion du territoire national.

Elle a institué  trois niveaux de pouvoir que sont : le pouvoir central, les provinces et les entités territoriales décentralisées ; et a réparti les compétences entre le pouvoir central et les provinces

Les trois niveaux de gouvernance sont étroitement liés et interdépendants. L’article 3 de la constitution dispose que les provinces et les entités territoriales décentralisées sont dotées de la personnalité juridique et sont gérées par les organes locaux. Les entités territoriales décentralisées sont la ville, la commune, le secteur et la chefferie.

Elles jouissent de la libre administration et de l’autonomie de gestion de leurs ressources économiques, humaines, financières et techniques.

La répartition des compétences entre le pouvoir central et la province s’effectue conformément aux dispositions des articles 202, 203 et 204 de la Constitution[1].

La loi n° 08/012 du 31 juillet 2008[2]  dispose à son article 22 que « Le Gouvernement provincial est l’organe exécutif de la province ». A son article 56, elle stipule que « L’édit sanctionnant le vote du budget provincial intègre les budgets des entités territoriales décentralisées, notamment la part des recettes à caractère national et celles des autres recettes de la province ainsi que des dépenses correspondantes ».

Notons que les ressources propres de la province comprennent selon la loi n° 08/012 du 31 juillet 2008 à son art 48, « […] les impôts, les taxes, les droits provinciaux et locaux ainsi que les recettes de participation. [Et] La province établit le mécanisme de leur recouvrement dans le respect des procédures fixées par la législation nationale ».

La province peut bénéficier [aussi] des ressources provenant de la Caisse nationale de péréquation prévue à l’article 181 de la Constitution[3].

Depuis sa mise en place en 2007, le Gouvernement provincial du Sud Kivu, connait une réalisation de son budget à un taux largement inférieur à 60% de ses prévisions. Cependant, ceci ne l’empêche pas de revoir à la hausse ses ambitions budgétaires.

Cette faible réalisation de recettes se répercute négativement sur ses réalisations  de dépenses et plus particulièrement sur ses dépenses en investissements. Ainsi, certains projets, pour ne pas dire la très grande majorité des projets touchant directement la population ne sont pas exécutés faute de financements. A titre illustratif, nous présentons ci-dessous les prévisions budgétaires et les réalisations de la province du Sud Kivu dans le domaine de l’agriculture pour les périodes 2011, 2012 (premier semestre) et 2013 (premier semestre).

Tableau N° 1 : Prévisions et réalisation du budget de la province du Sud Kivu dans le domaine de l’agriculture pour la période 2011, 2012 (premier semestre) et 2013 (premier semestre) (en Francs congolais).

 

Libellé

Budget aménagé 2011

Réalisation au 31 décembre 2011

%

Budget 2012

Réalisation au 30 juin 2012

%

Budget 2013

Réalisation au 30 juin 2013

%

Rubriques relatives aux charges de fonctionnement du Ministère de l’agri

 

 

 

1,45%

 

 

2,52%

 

 

Primes, gratifications et indemnités non permanentes (motivation)

 

 

 

32 266 000,00

 

 

9 705 000,00

0

0%

Fournitures et petits matériels de bureau

 

 

 

-

 

 

4 290 836,68

608 000

14,17%

Livres, abonnement et bibliothèque

 

 

 

3 022 400,00

 

 

2 589 464,00

0

 

Articles et produits d’entretien divers (non classés antérieurement)

 

 

 

1 366 300,00

 

 

900 728,40

75 000

8,33%

Alimentation (nourritures, aliments, boissons)

 

 

 

1 311 648,00

 

 

734 136,00

0

 

Communication et télécommunication

 

 

 

6 621 300,00

 

 

4 009 512,00

2 004 780

50%

Publicité et communiqué

 

 

 

-

 

 

376 480,00

154 000

40,41%

Frais de transport pour courses de services

 

 

 

1 248 000,00

 

 

312 000,00

50 000

16,30%

Entretien et réparation de mobiliers et matériels de bureau

 

 

 

1 282 220,00

 

 

574 132,00

32 725

5,70%

Total

 

 

 

47 117 868,00

 

 

23 492 289,08

2 924 505

12,44%

Rubriques touchant directement la population

 

 

 

98,55%

 

 

97,48%

 

 

1). Fournitures et outils médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques, et vétérinaires et vaccins

38 464 000,00

0

 

 

0

 

 

 

 

2). Fertilisants, engrais, insecticides, désinfectants, éléments et produits chimiques

781 678 080,00

0

 

781 678 080,00

0

 

195 419 520,00

0

0%

3). Semences (pour 2007 : Semence + Fertilisants)

739 108 200,00

0

 

739 108 200,00

0

 

204 297 281,91

0

0%

4). Soins vétérinaires

595 226 400,00

93 500,00

 

0,02%

595 226 400,00

 

1 102 833,00

0,19%

166 854 667,73

0

0%

5)  soins vétérinaires et protection de l’environnement

336 740 200,00

0

 

336 740 200,00

0

 

-

-

-

6). Acquisition d’équipements agro-sylvo-pastoraux

640 000 000,00

658 000,00

0,10%

640 000 000,00

0

 

143 284 490,96

0

0%

6). PUAA

111 548 000,00

0

 

111 548 000,00

0

 

111 548 000,00

0

0%

Acquisition d’animaux

 

-

 

 

-

 

105 413 046,48

0

0%

Sous total

3 242 764 880,00

751 500,00

0,02%

3 204 300 880,00

1 102 833,00

0,03%

926 817 007,08

0

0%

Total Budget Minagri

 

 

 

3 251 418 748,00

 

 

950 309 296,16

2 924 505

 

Total Général du Budget provincial

128 846 942 386,50

54 757 685 285,99

42,50%

107 192 622 155,00

21 459 684 537,90

20,20%

112 222 600 360,17

28 405 884 096,70

25,31%

% du budget de l’agriculture au Budget provincial (hormis les charges de fonctionnement du MINAGRI)

2,51%

0,001%

 

2,98%

0,005%

 

0,82%

0

0%

% global du budget de l’agriculture au budget provincial

 

 

 

3,03%

 

 

0,84%

0,01%

 

Source : Nos analyses des rapports d’exécution de budgets de la province du Sud Kivu pour les exercices 2011, premier semestre 2012 et premier semestre 2013.

Il y a lieu de constater que les prévisions budgétaires de la province du Sud Kivu ont été de 107.192.622.155,00 FC en 2012 et de 112.222.600.360,17FC en 2013 soit une augmentation de 5.029.978.205,17 FC représentant un taux de croissance budgétaire de 4,69% du budget 2012. Notons que le taux de change pour ces deux années a été identique.

Pourtant, au vu du niveau de réalisation de recettes au premier semestre 2012, rien de pouvait militer pour cette augmentation des prévisions budgétaires de l’exercice 2013.

Aussi, il y a lieu de constater que le niveau de réalisation de lignes budgétaires se rapportant au secteur agricole ont connu un niveau de réalisation si faible.

Quand à ce qui est de l’analyse de recettes pour la même période, elle se présente comme suit :

Tableau N° 2 : Prévisions et réalisations de recettes du budget de la province du Sud Kivu pour la période 2011, 2012 (premier semestre) et 2013 (premier semestre).

 

Libellé

Budget aménagé 2011

Réalisation au 31 décembre 2011

%

Budget 2012

Réalisation au 30 juin 2012

%

Budget 2013

Réalisation au 30 juin 2013

%

I. BUDGET GENERAL

95 242 559  608,66

41 260 175 253,04

43,32%

89 166 793 150,87

15 436 483 882,50

17,31%

101 539 652 070,47

19 387 709 275,81

19,09%

1.1. Recettes courantes

74 212 060 543,06

41 246 870 062,20

55,58%

89 108 793 150,87

15 408 872 679,93

17,29%

101 479 652 070,47

19 366 148 133,33

19,08%

1.1.1. Solde en banque

108 476 486,13

57 335 356,47

52,86%

216 952 972,23

 

 

1 129 400,00

0

0,00%

1.1.2. Recettes retenues (quotité “40%” des recettes à caractère national allouées à la province du Sud Kivu)

53 524 997 564,00

37 177 993 232,00

69,46%

64 765 791 487,00

13 190 440 914,00

20,37%

88 762 242 142,00

17 073 427 351,91

19,24%

1.1.3. Recettes par Ministères et services

20 578 586 492,93

4 011 541 473,73

19,49%

24 126 048 691,61

2 218 431 765,93

9,20%

12 716 280 528,47

2 292 720 781,42

18,03%

1.2. Recettes exceptionnelles

21 030 499 065,60

13 305 190,84

0,06%

58 000 000,00

27 611 202,57

47,61%

60 000 000,00

21 561 142,48

35,94%                    35,94%

1.2.1. Dons, legs et autres recettes non prévues

250 000 000,00

1 728 774,75

0,69%

10 000 000,00

27 112 914,03

271,13%

25 000 000,00

17 946 040,37

71,78%

1.2.2. Débiteurs divers/Gouvernement central

20 659 422 639,60

0,00%

0,00%

25 000 000,00

0

0%

15 000 000,00

0

0,00%

1.2.3. Débiteurs divers

121 076 426,00

11 576 416,09

9,56%

23 000 000,00

498 288,54

2,17%

20 000 000,00

3 615 102,11

18,08%

II. RECETTES EXTERIEURS D’APPUI BUDGETAIRES

26 692 433 708,14

9 696 493 475,73

36,33%

10 052 850 622,13

3 770 723 300,50

37,51%

9 013 739 690,00

8 672 642 184,75

96,22%

2.1. Dons budgétaires pour fonctionnement de services

2 274 658 317,39

3 953 059 224,37

173,79%

3 252 750 622,13

1 842 042 507,00

56,63%

3 931 041 331,60

2 310 152 905,32

58,77%

* Recettes pour le fonctionnement des services (subvention des partenaires à la Division Provinciale de Genre, Famille et Enfants)

176 575 117,39

13 454 000,00

7,62%

19 299 124,13

52 686 630,00

273,00%

94 364 712,00

15 247 440,00

16,16%

* Recettes pour le fonctionnement des services (subvention des partenaires à la Division Provinciale des Affaires Sociales)

98 083 200,00

22 116 800,00

22,55%

107 202 000,00

0

0,00%

62 225 555,60

10 368 259,20

16,66%

* Recettes pour le fonctionnement des services de la Santé Publique

2 000 000 000,00

3 917 488 424,37

195,87%

3 126 249 498,00

1 789 355 877,00

57,24%

3 774 451 064,00

2 284 537 206,12

60,53%

2.2. Recettes Extérieures du financement des investissements

24 417 775 390,75

5 743 343 251,36

23,52%

6 800 100 000,00

1 928 680 793,50

28,36%

5 082 698 358,40

6 362 489 279,43

125,18%

* Intervention à la reconstruction de la province par les ONGs

6 000 000 000,00

3 965 188 550,00

66,09%

6 000 000 000,00

1 467 753 182,50

24,46%

3 134 414 358,40

6 252 503 471,03

199,48%

* Intervention du Projet de Renforcement des Capacités en Gouvernance (PRCG) dans la Province du Sud Kivu

1 000 000 000,00

1 778 245 701,36

177,82%

800 000 000,00

460 927 611,00

57,62%

1 948 284 000,00

109 985 808,40

5,65%

* Intervention des investisseurs attendus pour la relance de la Sucrerie du Kivu

17 417 775 390,75

0

0,00%

100 000,00

0

0%

 

 

 

III. RECETTES PROVENANT DU BUDGET ANNEXE

897 599 736,00

625 240 600,00

69,66%

955 933 236,00

668 450 700,00

69,93%

1 669 208 600,00

345 532 636,14

20,70%

* Frais de participation aux examens de fin d’études primaires et secondaires et frais de minerval

641 121 700,00

625 240 600,00

97,52%

699 455 200,00

668 450 700,00

95,57%

1 177 290 600,00

196 206 851,14

16,67%

* Programme d’Urgence d’Autosuffisance Alimentaire (PUAA)

111 548 000,00

0

0,00%

111 548 000,00

0

0,00%

111 548 000

0

0%

* Subvention de l’Etat aux services déconcentrés en Province du Sud Kivu

144 930 036,00

0

0,00%

144 930 036,00

0

0,00%

380 370 000

149 325 785,00

39,26%

IV. BUDGET DES ENTITES TERRITORIALES DECENTRALISEES (ETD)

6 014 349 333,69

3 175 775 957,22

52,80%

7 017 045 146,00

1 584 026 654,90

22,57%

-

-

-

TOTAL GENERAL DE RECETTES

 (I + II + III + IV)

128 846 942 386,50

54 757 685 285,99

42,50%

107 192 622 155,00

21 459 684 537,90

20,02%

112 222 600 360,47

28 405 884 098,70

25,31%

Source : Nos analyses des rapports d’exécution de budgets de la province du Sud Kivu pour les exercices 2011, premier semestre 2012 et premier semestre 2013.

De ce tableau, il ressort que les réalisations de ces budgets de la province du Sud Kivu ont été de :

-          54 757 685 285,99 FC pour l’exercice budgétaire 2011, soit un taux de 42,50% ;

-          21 459 684 537,90 FC pour le premier semestre 2012, soit un taux de réalisation de 20,02%). Ceci donne lieu à une projection linéaire de 42.919.369.075,80 FC, représentant 40,04% de  prévisions.

-          28 405 884 098,70 FC pour le premier semestre 2013, soit un taux de réalisation de 25,31%. Ceci donne lieu à une projection linéaire de 56 811 768 193,40FC soit un taux de réalisation de 50,62%.

Ainsi, il y a lieu de retenir que durant ces trois dernières années, le budget de la province a été réalisé à un taux inférieur à 60% de prévisions.

Le Budget général (Recettes courantes et Recettes exceptionnelles) a connu durant cette période un taux de réalisation inférieur à 45%.

Toute fois, il y a lieu de constater que les recettes extérieures d’appui budgétaire augurent un lendemain meilleur avec une mobilisation au premier semestre de l’exercice 2013 d’un montant de 8 672 642 184,75 FC (représentant 96,22% de prévisions annuelles). En effet, comparé  à la réalisation du premier semestre 2012 (dont le montant était de 3 770 723 300,50FC, soit 37,51% de prévisions annuelles), il y a lieu d’explorer suffisamment cette piste qui nous parait prometteuse pour la province du Sud Kivu.

Il y a donc lieu de constater qu’un travail de profondeur s’impose en vue d’améliorer les capacités de mobilisation des recettes courantes de la province.

Le présent travail va se focaliser sur les stratégies que la province du Sud Kivu devrait mettre en œuvre pour pouvoir mobiliser les recettes de son budget général (Recettes courantes et Recettes exceptionnelles) et  ses recettes extérieures d’appui budgétaire.

0.2. Brève présentation de la province du Sud Kivu

La Province du Sud-Kivu a été créée en 1988 par l’Ordonnance-loi n°88-031 du 20 juillet 1988 modifiant et complétant l’ordonnance-loi n°82-006 du 25 février 1982 portant organisation territoriale, politique et administrative de la République sur le découpage en trois Provinces de l’ancienne Kivu.

La Province du Sud-Kivu, vaste de 66.814 Km², est située à 00’ 58’’ latitude Nord, 4° 51’ 21’’ latitude Sud et 26° 10’ 30’’- 29°58’ longitude Est.

Elle est limitée à l’Est par la République du Rwanda dont elle est séparée par la rivière Ruzizi et le lac Kivu ; le Burundi et la Tanzanie séparés du Sud-Kivu par le lac Tanganyika.

Au niveau interne, elle partage ses limites :

  • au Sud-Est avec la Province du Katanga,
  • au Sud, à l’Ouest et au Nord-Ouest par la Province du Maniema et enfin,
  • au Nord par la Province du Nord-Kivu.

L’accessibilité de la Province du Sud Kivu à celle du Nord Kivu est plus facile (par voie routière et lacustre) qu’avec la Province du Maniema (voie routière). La Province est accessible à celle du Katanga à partir du port de Kalundu sur le lac Tanganyika et par route. Elle est aussi ouverte sur les trois pays limitrophes : le Rwanda par Cyangungu et Bugarama ; le Burundi par Kavimvira ; et la Tanzanie par Baraka.

L’accessibilité des différents Territoires est surtout facile pendant la saison sèche. Pendant la saison des pluies, les territoires de Shabunda et Mwenga sont difficilement voire inaccessibles.

La province du Sud Kivu dispose d’une ville (avec 3 communes : Ibanda, Kadutu, et Bagira) ; de 8 territoires, de 23 secteurs et chefferies, de 185 groupements, de 45 Quartiers et 5 cités.

Notons que la province du Sud Kivu dispose à ces jours, d’une seule entité revêtue du statut de ville, le chef lieu de la province, la ville de Bukavu.

[4]Du point de vue démographique, il y a lieu de noter que la comparaison des statistiques de la population du Sud-Kivu pour les années 1997 et 2012, (statistiques produites par la Division provinciale de l’intérieure et sécurité/Province du Sud Kivu) indiquent qu’en 1997, la province du Sud Kivu comptait 3.028.000 habitants. En 2012, cette population est passée à 6.016.364 habitants. Ceci représente un taux d’accroissement démographique de 98,69% en l’espace de 15 ans.

Il y a lieu de noter que hors mis Bukavu (800.574 habitants)et Uvira (chef lieu du territoire d’Uvira faisant partie de la chefferie Bavira dont la population en 2012 a été évaluée à 190.365 habitants) le reste de la population vit en milieu rural.  Cette population rurale représente 83,52% de la province du Sud Kivu.

0.3. Délimitation temporaire

La problématique de la faible capacité de mobilisation de fonds de la province du Sud Kivu remonte de plusieurs décennies s’inscrivant dans le contexte global qu’a traversé la RD Congo. Dans le cadre de cette étude, nos réflexions se fonderont sur la période allant de 2011 à 2013 (premier semestre) pour pouvoir esquisser des stratégies pour le futur.

0.4. Méthodologie

L’analyse documentaire a servi de base pour l’orientation méthodologique de cette réflexion.

1. ESQUISSE DE PISTES D’ACTIONS POUR LA RESOLUTION DU PROBLEME DE MOBILISATION DE RECETTES PAR LE GOUVERNEMENT PROVINCIAL DU SUD KIVU

1.0. Introduction

La faible mobilisation de recettes par la province du Sud Kivu est actuellement un fait courant qui non seulement est décrié par les gouvernants (Gouvernement provincial et Assemblée provinciale) mais également par l’opposition politique et la société civile. Alors que ces dernières se plaignent de l’inaction des gouvernants pour répondre aux désidératas de la population (le quotidien du citoyen et les besoins en développement de la province), les gouvernants quand à eux ne cessent de mettre au devant de la scène, l’insuffisance de ressources financières pour pouvoir répondre aux défis de développement de la province du Sud Kivu.

L’évasion fiscale, la mauvaise volonté des contribuables, la fraude, la corruption, et le détournement de fonds publics ont toujours été décriés comme causes majeures de la faible mobilisation de recette en province du Sud Kivu. Le Gouvernement provincial a alors estimé que la mise sur pied de la direction provinciale de mobilisation et d’encadrement de recettes (DPMER) permettrait de pouvoir maximiser le niveau de recettes de la province.  

Cependant, il y a lieu de constater que l’opérationnalité de la DPMER au Sud Kivu, depuis 2011, n’a pas apporté des réponses escomptées.

1.1. Stratégies pour une mobilisation accrue de recettes de la province du Sud Kivu

Dans sa réflexion sur l’Economie du développement 3.0, Justin Yifu Lin note : « Jusqu'à présent la pensée sur le développement s'est focalisée sur ce que les pays en développement n'ont pas (une industrie nécessitant de gros investissements), sur les domaines dans lesquels les pays développés réussissent le mieux (les mesures liées au Consensus de Washington et la gouvernance) ou sur les domaines importants du point de vue humanitaire, mais qui ne contribuent pas directement au changement structurel (santé et éducation). Je propose de mettre l'accent sur ce que les pays en développement savent faire (leurs avantages comparatifs) »[5].

De son coté, Shanta Devarajan, affirme que « notre prise de conscience des défaillances publiques a coïncidé avec deux autres mutations. La première concerne l'influence croissante de la société civile dans le discours public. La seconde, la révolution technologique dans les pays pauvres. […] Et si nous exploitions les nouvelles technologies et l'influence de la société civile pour régler les défaillances de l’État ? »[6] .

Il est impérieux pour la province du Sud Kivu de s’approprier les idées forces du développement  prônées par les auteurs susdits. D’où, la nécessité de définir des actions s’inscrivant dans les stratégies ci-dessous afin de pouvoir maximiser les recettes de la province :

-          La mise à profit de ce qu’elle sait faire le mieux en matière de mobilisation de recettes (ses avantages comparatifs) ;

-          La capitalisation de l’influence de la société et des opportunités qu’offrent les nouvelles technologies

1.1.1. De la Mise à profit des avantages comparatifs de la province du Sud Kivu en matière de mobilisation de recettes

La province du Sud Kivu, à travers le Gouvernement provincial, devrait procéder à l’identification de ce qu’elle sait faire le mieux (ses avantages comparatifs) en matière de mobilisation de recettes. Ceci pourrait être fait au cours d’une consultation large de ses services taxateurs. Des interviews individuelles, des focus group et une analyse documentaire seraient mis à profit. Les résultats de la consultation feraient objet de débat au cours d’un atelier de réflexion, en vue d’un enrichissement, validation et définition des stratégies de capitalisation pour plus de performance.

Chaque service taxateur, devra par la suite développer son plan de performance et un planning de mise en œuvre. Ce planning serait communiqué au Gouvernement provincial.

1.1.2. De la capitalisation de l’influence de la société civile pour une mobilisation accrue des recettes de la province du Sud Kivu et des opportunités qu’offrent les nouvelles technologies

La province du Sud Kivu dispose d’une société civile structurée et bien encrée dans la population. Elle compte à son actif, entre autres, plusieurs actions de développement et d’actions de dénonciation de cas d’abus et violations de droits de l’homme. La relation entre la société civile et le pouvoir public a toujours été caractérisée par des tensions.

Le pouvoir recourt souvent à une stratégie de politisation (en ramenant dans son camp) des acteurs de la société civile faisant preuve d’activisme très accru. Ceux qui résistent à la tentation de politisation  sont parfois tracassés, et les plus militants en matière de droits humains sont tués sans que des enquêtes sérieuses clarifient les circonstances de leur assassinat. Ceci exacerbe les tensions et les critiques de la société civile vis-à-vis du pouvoir.

Dans le cas présent, nous estimons que le pouvoir public (le Gouvernement provincial) devrait, non plus tenter de débaucher des acteurs isolés (de la société civile), mais ouvrir un espace de collaboration avec la société civile pour la mobilisation de recettes de la province.

Ainsi, les actions suivantes devraient être envisagées :

-          Mener une étude sur les causes de la faible mobilisation de recettes. Cette étude devra être réalisée par la société civile (avec l’appui du gouvernement provincial) et aura comme cible : la population, les opérateurs économiques, les agents de services de l’Etat, les scientifiques et les leaders sociaux. Une attention sera focalisée sur l’identification de pratiques de détournement de recettes de l’Etat. Des stratégies permettant de contourner ces pratiques seront identifiées. Les interviews, les focus group et l’analyse documentaire constitueront la base méthodologique. Une séance de restitution sera organisée pour enrichissement et validation.

-          Instituer l’approche du budget participatif au niveau de la Province et l’étendre sur tout le budget (recettes et dépenses). L’idée, c’est d’impliquer la société civile et les opérateurs économiques à l’élaboration du projet de budget provincial. Aussi, la validation de taxes à payer et les modalités de leur recouvrement devront faire objet de débat au niveau de la tripartite société civile, opérateurs économiques et pouvoir public.

-          Mener une campagne d’éducation civique fiscale. Cette campagne sera organisée dans une synergie tripartite société civile, opérateurs économiques et gouvernement provincial. Elle se focalisera sur la sensibilisation au paiement des taxes et impôts. A ce niveau, les associations corporatives auront à jouer un grand rôle dans l’identification des contribuables et le suivi du niveau de paiement de taxes et impôts.

-          Tenir des réunions trimestrielles de suivi du niveau de mobilisation de recettes de l’Etat. A ce niveau, la tripartite pouvoir public (gouvernement et assemblée provinciale), opérateurs économiques et société civile se réunira une fois le trimestre pour : apprécier le niveau de mobilisation de recettes de l’Etat, identifier les contraintes et défis, et définir les stratégies pour les contourner. Les forces et opportunités seront également relevées ainsi que des mécanismes de leur capitalisation. Il sied de noter que ce type de réunion sera réservées aux délégués de la tripartite (décideurs pour le gouvernement et l’assemblée provinciale ; et délégués élus pour une durée limitée pour la société civile et les opérateurs économiques).

-          Monitoring de pratiques et cas de détournement/fraude fiscale. La société civile bénéficiera des facilités auprès du pouvoir public (gouvernement provincial, assemblée provinciale, cour de compte) pour la réalisation du travail de monitoring sur les pratiques et cas de détournement de recettes de l’état. Une base de données hébergeant des mécanismes d’alerte précoce sur des cas mafieux (corruption, taxation illégale, détournement de recettes de l’état) sera conçue et gérée par une institution compétente faisant partie de la société civile. En effet, le dispositif devra être conçu de manière à permettre à la population d’alerter par messagerie téléphonique (sms) tout cas ou pratique mafieuse. Aussi, la base de données pourra recueillir, toujours par sms, les informations sur les taxes/impôts payés auprès de services de l’Etat. Ceci permettra à la société civile de suivre/établir la traçabilité de recettes de la province (et de contre-vérifier les informations financières de services taxateurs). Le rapport de monitoring sera mis à profit pour alimenter le débat au cours des réunions trimestrielles de la tripartite.

-          Dans la limite de ses moyens et prérogatives, le gouvernement et l’assemblée provinciale offriront leur soutien à la société civile et aux opérateurs économiques. Ce soutien pourra prendre plusieurs formes dont entre autres la mise en contact, les facilités administratives, etc. 

-          Planifier et réaliser des projets conjoints. En fonction des opportunités de financement, la société civile/ le gouvernement provincial/ Opérateurs économique mettront en œuvre des projets de développement. Il y a lieu d’inscrire dans cette optique la mise en œuvre des projets s’inscrivant dans la logique PPP (partenariat public –privé). Notons que ces derniers pourraient être financés soit par la province ou soit par l’extérieur.

-          Réaliser des voyages de plaidoyer pour la mobilisation de partenaires en faveur de la province. Des équipes mixtes gouvernement - société civile – opérateurs économiques devront effectuer des missions conjointes de plaidoyer et recherche de partenaires et marchés pour la province. Une attention particulière devra être portée sur la recherche des opportunités de coopération décentralisée entre la province du Sud Kivu et les entités territoriales des pays étrangers ; et entre la province du Sud Kivu et les autres provinces/villes congolaises. 

CONCLUSION

La matérialisation des stratégies esquissées qui du reste se fondent sur (i) la mise à profit de ce que la province du Sud Kivu fait le mieux en matière de mobilisation de recette ; et (ii) la capitalisation de l’influence de la société et des opportunités qu’offrent les nouvelles technologies ; permettra à la province non seulement de mobiliser davantage des recettes extérieures d’appui budgétaire mais aussi d’accroitre les recettes de son budget général.

Ainsi, la province du Sud Kivu pourra avoir suffisamment de moyens pour financer ses projets de développement.

BIBLIOGRAPHIE

- Cishambo Ruhoya ;  Statistiques démographiques au 31 décembre 2012 ; Division Provinciale de l’Intérieur et Sécurité/Province du Sud Kivu ;  10 février 2013

- Journal Officiel de la RDC ; Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006 ; 47ème année

- Journal Officiel de la RDC ; Loi n° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces ; 49ème année

- Justin Yifu Lin ; Pour une économie du développement modèle 3.0 ; 14 juin 2012, http://www.project-syndicate.org/commentary/development-3-0/french

- Shanta Devarajan ; Le Développement 3.0 ; vendredi 5 novembre 2010 ; http://blogs.worldbank.org/africacan/le-d-veloppement-30

 

 



[1] Journal Officiel de la RDC ; Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006 ; 47ème année

[2] Journal Officiel de la RDC ; Loi n° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces ; 49ème année

[3] Article 57 de la Loi n° 08/012 du 31 juillet 2008

[4] Cishambo Ruhoya ;  Statistiques démographiques au 31 décembre 2012 ; Division Provinciale de l’Intérieur et Sécurité/Province du Sud Kivu  ;  10 février 2013

[5] Justin Yifu Lin ; Pour une économie du développement modèle 3.0 ; 14 juin 2012, http://www.project-syndicate.org/commentary/development-3-0/french

 

[6] Shanta Devarajan ; Le Développement 3.0 ; vendredi 5 novembre 2010 ; http://blogs.worldbank.org/africacan/le-d-veloppement-30

 

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Safanto L. Bulongo
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