Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Safanto L. Bulongo
14 janvier 2014

RÔLE DES COLLECTIVITES LOCALES EN MATIÈRE DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE : Cas du Secteur de Mutambala en province du Sud Kivu, RDC

ROLE_DES_COLLECTIVITES_EN_MATIERE_DE_DEVELOPPEMENT_ECONOMIQUE_Cas_du_Secteur_de_Mutambala

 

0. INTRODUCTION

0.1. Question de réflexion

« Les collectivités locales ont, concernant le champ du développement économique, un mandat restreint qui exclut, l’intervention directe de type création d’entreprises. Dans ce contexte, quelles sont les conditions du développement économique local et des politiques publiques que les communes peuvent concevoir pour façonner un environnement favorable au développement économique et à la création de valeur à partir des potentiels locaux ».

0.2. Brève présentation du secteur de Mutambala

Le Secteur de Mutambala est l’une de 27 ETD (Entités Térritoriales Décentralisés) que compte la province du Sud Kivu, en République Démocratique du Congo.

Il est vaste de 776 Km² et peuplé de 173.721 habitants[1]. Ensemble avec les Secteurs de Tanganyika, Ngandja et Lulenge, ils constituent le territoire de Fizi.

L’ETD Secteur de Mutambala est limité au Nord par le Secteur de Tanganyika, au Sud par le Secteur de Ngandja, à l’Ouest par le Secteur d’Itombwe (en territoire de Mwenga) et à l’Est par le lac Tanganyika (qui le sépare du Burundi et de la Tanzanie).

Le Secteur de Mutambala est composé de 4 groupements à savoir : Basimukindji, Babwari, Basimukuma Sud et Batombwe. Il a comme chef lieu Baraka.

Faute de tenue d’élections locales, le secteur est actuellement dirigé par un chef de secteur nommé par les autorités provinciales.

Le Secteur de Mutambala dispose d’un potentiel économique riche en minerais (or, cassitérite, …), agricole (avec des très vastes étendues de terres), en élevage (du gros et petit bétail), une pêche florissante sur le lac tanganyika.

Le Secteur de Mutambala ne dispose d’aucune industrie. Le micro et petit commerce informelle, l’agriculture de subsistance, la pêche artisanale et l’exploitation artisanale de minerais (or et cassitérite) prédominent l’économie du Secteur.

A Baraka, chef lieu du Secteur, on trouve une coopérative d’épargne et de crédit, des auberges, et des cybers-cafés. Deux réseaux téléphoniques (airtel et vodacom) arrosent une partie du Secteur.

Le Secteur de Mutambala est traversé par la route nationale n°5. Celle-ci est en terre. Les routes de desserte agricole reliant différents coins du Secteur sont difficilement praticables. Aussi, il dispose d’un aérodrome appelé « aérodrome de Malinde » et d’un port dit « port de Mushimbakye ».

Le secteur de Mutambala dispose de plusieurs institutions d’enseignement universitaires organisant diverses facultés. C’est entre autres : l'Institut Supérieure Pédagogique de Baraka (ISPBA), l'Institut supérieur technique médical de Baraka (ISTMBA), l'Université Espoir du Congo (UEC), l'École Supérieure de Technique de Mine de Baraka (ESTBA) et Formation Professionnelle Nationale de Baraka (FPNBA).

A celles-ci s’ajoute plusieurs écoles primaires et secondaires.

1. Réglementation congolaise en matière de création d’entreprises

Le Décret N° 12/045 du 1 novembre 2012 portant création, organisation et fonctionnement du Guichet Unique de création d’entreprise, à son article 4, stipule que « dans les conditions prévues par les lois et règlements, le Guichet Unique exerce sur toute l’étendue du Territoire national, toutes  les missions et prérogatives relatives à la création d’entreprise en République Démocratique du Congo ». A l’article 5 du dit Décret, il est spécifié, les responsabilités du Guichet Unique qui sont  : «(i) Recevoir les demandes de création d’entreprise provenant des personnes physiques ou morales, de nationalité congolaise et/ou étrangère ; (ii) Procéder, en son sein, dans les conditions de transparence, d’efficacité et de célérité, à l’accomplissement de toutes les formalités requises dans la chaine de création d’entreprise ou d’installation de filiales, représentations ou succursales d’entreprises étrangères en République Démocratique du Congo ; (iii) Rassembler et délivrer tout document nécessaire à la création d’entreprise ».

Si le législateur congolais a institué le Guichet Unique comme organisation en charge de la formalisation de la création d’entreprise, il a toute fois laissé aux ETD, en leur qualité de personne morale, l’initiative de la création d’entreprises. En effet, la Loi organique n° 08/016 du 7 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des Entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l’Etat et les provinces, à son art 97 reprenant les actes des ETD soumis à un contrôle à priori du Gouverneur de province, note à son alinéa 3 : « la création d’entreprises industrielles et commerciales, la prise de participation dans les entreprises ». Elle dispose également à son article 110, que : « les recettes de participation de chaque entité territoriale décentralisée comprennent les bénéfices ou les revenus de leur participation en capital dans les entreprises publiques, les sociétés d’économie mixte et les associations momentanées à but économique ».

Notons que cette prérogative dévolue aux ETD est atténuée par le prescrit de l’article 100 de la loi susdite, qui dispose que : « le silence de l’autorité de tutelle endéans trente jours constitue une décision implicite de rejet [de l’initiative dont question à l’article 3 ci dessus]. Dans ce cas, l’entité territoriale décentralisée peut former un recours devant la Cour administrative d’appel de son ressort ».

De ce qui précède, il y a lieu de retenir que les ETD (entités territoriales décentralisées), qui sont au terme de la législation congolaise la ville, la commune, le Secteur et la chefferie, ne peuvent intérvenir dans la création d’entreprises qu’en qualité d’entrepreneur (personne morale) et cela après avis favorable du Gouverneur de province.

2. Rôle du Secteur de Mutambala en tant qu’ETD en matière du développement économique local

Depuis 2006, la RD Congo a emprunté la voie de la décentralisation. Un arsenal juridique est en développement. La ville, la commune, le secteur et la chefferie sont désormais des entités territoriales décentralisées. Elles sont dotées d’une personnalité juridique et jouissent de la libre administration et de l’autonomie de gestion de leurs ressources humaines, économiques, financières et techniques.

La loi organique n° 08/016 du 7 octobre 2008 dispose à son article 91 que : « […] la répartition des tâches de membres du collège exécutif du secteur [y compris de la ville, la commune et chefferie] porte notamment sur les secteurs de la bonne gouvernance locale, de la promotion de l’économie, de la lutte contre le VIH/Sida et autres maladies endémiques et de la croissance ainsi que de la promotion de la fourniture des services et infrastructures socioculturelles de base ».

Ceci étant, il y a lieu de réaliser que le législateur congolais a trouvé nécessaire de responsabiliser les ETD sur la question de promotion de l’économie locale.

Ainsi, il y a lieu d’examiner ce que devra être le rôle du Secteur de Mutambala, en tant qu’ETD, dans le cadre du développement économique locale.

Il sied de noter que le Développement économique local est une notion neuve en province du Sud Kivu et particulièrement dans le Secteur de Mutambala. Les responsables du Secteur (et des ETD en général), qui étaient habitués à exécuter et subir les ordres dictés par la hiérarchie, devront d’abord être formé en DEL. Ceci leur permettra d’avoir une vision qui va au delà de la collecte de taxe dans les marchés locaux, auprès d’exploitants miniers et forestiers artisanaux et l’attente passive de fonds rétrocédés par le niveau central comme c’est le cas actuellement.

Les animateurs du Secteur de Mutambala devront orienter leurs réflexions sur les conditions du développement économique local et des politiques publiques à concevoir pour façonner un environnement favorable au développement économique et à la création de valeurs à partir des potentiels locaux.

Cette étape franchie, nous pensons alors que le rôle du Secteur de Mutambala dans le développement économique local serait de :

-          Créer les conditions du développement économique, dont la réalisation directe s’appuiera en premier lieu sur des acteurs économiques privés. Ceci passe par la création des conditions du développement économique faisant appel à une intervention transversale et multisectorielle, de long terme, qui s’appuie sur une connaissance très fine des territoires dans leurs contextes, de leurs potentiels et de leurs contraintes. Un travail institutionnel de structuration des services du Secteur et une réflexion sur les conditions de contractualisation avec les partenaires, etc, est une nécessité.

Aussi, il faudra améliorer le climat général des affaires au niveau local. Ceci passe par une amélioration du régime de taxation, la mise en place d’une réglementation souple et pas excessive. Une attention particulière du Secteur devra être focalisé sur le monitoring du niveau de respect des prescrit de la loi en matière de création d’entreprise en insistant sur le coût et la durée (3 jours maximum). On devra s’abstenir de soumettre aux entreprises à une quelconque procédure supplémentaire hors de celles fixées par la loi (à travers le guichet unique de création d’entreprises).  

-          L’ETD Secteur de Mutambala devra servir de source d’information sur les ressources et les potentialités économiques de l’entité et leur localisation. Une cartographie géo-économique du Secteur de Mutambala devra être élaborée.

-          Entreprendre des contacts dans le but de développer une coopération économique décentralisée avec aussi bien les collectivités congolaises qu’étrangères (voisines ou éloignées). Cette stratégie permettra au Secteur de Mutambala de rentabiliser son potentiel découlant de son emplacement géographique. La perspective de coopération économique décentralisée devra être abordée sous une vision plus globale et inclusive mobilisant des instruments politiques qui dépassent le strict appui financier, dont notamment l’appui à la réformes fiscales locales, la formation professionnelle et l’appui institutionnel, l’appui à la gestion durable des ressources naturelles et environnementales, l’appui au développement d’un programme de marketing du secteur, l’appui à la réalisation d’infrastructures (transports, adductions aux réseaux…). Une incitation des investisseurs des pays ou collectivités coopérants ainsi que la mise en réseau entre les entrepreneurs (effectifs /potentiels) du secteur de Mutambala et ceux des pays/collectivités avec qui l’on est en lien de coopération devra bénéficier d’une attention particulière des autorités locales.

-          Faciliter les échanges et la mise en place des synergies multi-acteurs et la tenue des séances d’éducation sur le développement économique local du Secteur de Mutambala. En effet compte tenu du dynamisme associatif de ce Secteur, une insistance sur la distinction entre le développement économique (promotion des entreprises) et le développement communautaire (création d’emplois, réduction de la pauvreté) devra faire objet d’une attention particulière. Il en sera de même pour ce qui est de la promotion de l’emploi et la promotion économique. Un développement des réseaux multi-acteurs (aussi bien entre les locaux et entre les locaux et ceux des pays étrangers ou d’autres ETD nationales) orienté vers la valorisant des compétences et les ressources locales ainsi que la structuration de filières commerciales devra bénéficier d’une particulière attention de la part des autorités du Secteur de Mutambala.

-          Faciliter l’éducation, la formation et l’information sur l’entrepreneuriat. Le Secteur devra arriver à de développer l’esprit d’entreprise au sein de la population active et des jeunes, les reflexes et habiletés entrepreneuriales (innovation, prise de risque, rationalité économique, désir d’accumulation) et managériales (résolution de problèmes, planification, contrôle). Il faudra faciliter la circulation de l’information entre micro-entrepreneurs sur les succès, les opportunités, les échecs et les difficultés réels que connaissent les MPE dans le milieu local, national ou régional, d’une part et d’autre part éveiller la conscience de la population sur les bienfaits des entreprises dans le milieu et valoriser davantage le métier d’entrepreneur. Pour ce faire, l’ETD Secteur de Mutambala organisera semestriellement ou annuellement une foire d’économie locale.

-          Instituer un fonds de promotion des Micro et Petites Entreprise (MPE) dans le secteur de Mutambala. L’idée est de rendre disponible, dans le secteur, des fonds pouvant permettre d’octroyer des crédits aux MPE naissantes ou existantes ; et favoriser l’épargne des candidats micro-entrepreneurs. Des modalités de gestion du dit fonds en partenariat avec les coopératives d’épargne et de crédit et d’autres institutions financières locales devront être clairement définies.

-          Revaloriser la formule coopérative au sein d’ONGD (Organisation Non Gouvernementale de Développement), de services publics et de services privés. Un corps de conseillers spécialisés dans l’activité-conseil auprès des MPE sera institué. Il faudra appuyer techniquement les micro-entrepreneurs qui souhaitent évoluer en entrepreneuriat coopératif ; mais aussi, démontrer par la pratique que la formule coopérative peut aussi s’adapter dans une économie de marché et assurer la prospérité des micro-entreprises. Ainsi, il faudra assurer un accompagnement aux micro-entrepreneurs qui veulent s’associer en coopérative, ainsi qu’une assistance conseil personnalisée en matière de gestion de coopératives. Le Secteur de Mutambala facilitera la mise en place d’un incubateur d’entreprise et organiser des sessions de coaching et mentoring pour les porteurs d’idées de création d’entreprises. Des mesures de faveurs devront être accordées aux jeunes entrepreneurs pour la sous-traitance en vue de réaliser les projets publics locaux se rapportant au budget participatif du Secteur. Notons qu’une stratégie de communication sur la procédure relative à la création d’une entreprise devra être développée par le Secteur.

-          Faciliter la constitution progressive au sein d’ONGD, de services publics et des cabinets privés d’un corps de conseillers spécialisés dans l’activité-conseil auprès de MPE. Le Secteur de Mutambala emploiera des démarches pour obtenir si possible dans le cadre de la coopération économique décentralisée des appuis en termes de renforcement des compétences spécialisées dans l’appui-conseil aux MPE. De manière spécifique, seront encouragées par le secteur de Mutambala : des formations des formateurs en activités-conseil auprès de MPE ; des formations et recyclages des conseillers ; et enfin l’élaboration et publication des guides pratiques du conseiller des MPE. 

Le secteur devra initier un dialogue avec les responsables d’institutions d’enseignements  secondaires et universitaires pour l’introduction de programmes supplémentaires/spéciaux visant à adapter la formation aux besoins des entreprises. La facilitation de la communication entre les institutions de formation et les employeurs potentiels devra bénéficier de l’attention particulière du Secteur de Mutambala.

-          Mettre en place un cadre de concertation, de planification et de coordination des interventions de promotion des MPE. Ceci permettra d’assurer de l’harmonie pour plus d’efficacité dans les interventions auprès des MPE ; et de promouvoir la pratique de la planification locale comme outil au service du développement économique local. Le secteur devra faciliter la mise en place d’une plate forme de concertation des organisations et services appuyant les MPE. Aussi, il devra périodiquement (annuellement) instituer une table ronde de concertation sur l’appui aux MPE dans le secteur.

Conclusion

Il serait utopique de croire qu’à son stade actuel, l’ETD Secteur de Mutambala serait à même d’assumer ces différents rôles qui du reste sont assez exigeants. C’est pourquoi, nous estimons que le renforcement de capacités (en DEL) des agents du Secteur ayant dans leurs attributions des questions en lien avec le développement économique local (artisanat, coopératives, mines, agriculture, développement rural, environnement, etc) devrait être un préalable.

 

Bibliographie

Aitec ; Action internationale des collectivités locales et développement économique ; valorisation d’un atelier organisé à Via le Monde, le 27 mars 2008

- Chishambo Ruhoya ; Statistiques démographiques au 31 décembre 2012 ; Division Provinciale de l’Intérieur et Sécurité/Province du Sud Kivu, 10 février 2013

- Journal Officiel de la RDC ; loi organique n° 08/016 du 7 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs rapports avec l’Etat et les Provinces ; 49ème année

- Matata Mponyo et Vunabandi Kanyamihigo ; Décret N° 12/045 du 1 novembre 2012 portant création, organisation et fonctionnement du Guichet Unique de création d’entreprise ; Primature RDC, Novembre 2012

- Sadiki Byombuka ; Microentreprises et développement économique local : de l’expérience québécise à la conception d’une stratégie applicable au Congo ; Bukavu, avril 2001

 

 

 

 

 



[1] Chishambo Ruhoya,  Statistiques démographiques au 31 décembre 2012 ; Division Provinciale de l’Intérieur et Sécurité/Province du Sud Kivu  ;  10 février 2013 )

Publicité
Publicité
Commentaires
Safanto L. Bulongo
Publicité
Archives
Publicité